Une tribune engagée pour le port du mascara bleu
- cecileduclos
- 21 oct. 2014
- 3 min de lecture

Dans la directe lignée des héros qui s’engagent pour faire changer le monde (Ghandi, Bob Dylan, Rosa Parks, Lisa Simpson…), j’ai moi aussi décidé de me battre pour une cause presque désespérée : la réhabilitation du mascara bleu. Vous le savez sans doute déjà, il y a une place spéciale dans mon coeur pour toutes les excentricités esthétiques (comme le prouve ce précédent article). On peut estimer que cette affection, que dis-je, cette passion hors du commun (astuce : attirer le chaland par une phrase d’accroche extraite de Tellement Vrai cette émission si bien) remonte à l’an de grâce 2010, et plus précisément à la date de sortie du clip Téléphone de Lady Gaga et Beyoncé. Ce clip, au-delà d’être un objet télévisuel frôlant la perfection, citons l’air de rien les références à Tarantino et les costumes réalisés par Jean-Charles de Castelbajac, a été une réelle épiphanie lors de ce plan précis :

L’EYE LINER JAUNE, bon sang. C’est magique, c’est indécent. Alors évidemment, étant donné que j’ai la peau aussi blanche qu’un postérieur d’irlandais, je n’ai même pas tenté de reproduire cette audace, pour la raison évidente qui est que sur moi ça aurait juste eu l’air d’une maladie de la peau tout à fait dégueu. Cependant, cette image a imprimé en moi l’idée qu’en maquillage comme en mode, il n’y a pas de règles.
Si je vous dis ça, c’est parce qu’on a souvent écrit que le mascara bleu, c’était « in-ter-dit ». Et il y a bien certains exemples qui peuvent corroborer cette théorie, comme ce fut le cas de ma première rencontre avec ledit mascara. J’étais alors élève en classe de quatrième, (donc bien avant mon épiphanie beyoncéenne), et comme mes camarades, je ne connaissais absolument rien au monde fabuleux du maquillage. Un beau jour, l’une d’entre elles arriva, arborant dans ses cils blonds un mascara au bleu des plus osés. Un jeune garçon lui fit alors remarquer pour une raison inconnue « tiens, t’as mis du mascara ». « Merci », répondit-elle naïvement. L’individu de sexe masculin ajouta cependant « J’ai pas dit que c’était beau. ». La réplique tomba comme un couperet sur les sentiments de la jeune fille, humiliée aux yeux de tous, et devant dorénavant vivre pour toujours dans le souvenir de cet épisode tragique. Ok, je romance légèrement, mais cela montre d’autant mieux à quel point ma première rencontre avec le mascara bleu était traumatisante. Si vous ne relevez pas la dimension traumatisante, relisez ce paragraphe en écoutant la BO de Requiem for a Dream. Mieux ? Voilà. J’étais donc moi aussi convaincue que le mascara bleu était une abomination qui n’apportait que la honte et le désespoir aux jeunes filles qui avaient fait l’erreur d’en porter.
Cependant, quelques années plus tard est arrivée la deuxième rencontre. Elle s’est manifestée par cette délicieuse publicité Yves Rocher.

Cette fille ressemble à un perroquet des îles, et j’ai trouvé ça fantastique, parce que j’aime les perroquets des îles. Il me semble que le postulat de cette affiche est que l’on peut oser aussi bien le mascara bleu que l’eye liner turquoise tant qu’on est dans un idéal rétro kitsch et que l’on se limite à la période estivale. Un petit pas pour l’humanité, me direz-vous, mais un grand pas vers l’acceptation du mascara bleu.
S’en sont suivies quelques confrontations moins marquantes, comme cette camarade irréprochable stylistiquement, qui travaillait chez American Apparel tous cils bleus déployés, ou bien cet article de Glamour sur les audaces des maquilleurs de défilés.
C’est donc tout naturellement qu’hier, me baladant dans les rayons de Tati (parce que la mode est partout, figurez-vous)(à part chez Desigual), je me suis extasiée devant ce tube de mascara Gemey Maybeline bleu électrique à seulement 2,99€. J’ai alors couru (je romance ici aussi, vous l’aurez compris) jusqu’à mon domicile dans la hâte d’essayer cet achat merveilleux. Et je ne fus pas déçue. Car le mascara bleu vous offre une autre vision du monde, un monde plus bleu. Au sens propre, je veux dire. Parce que maintenant, vous voyez vos cils à chaque fois que vous clignez des yeux. Et euh…c’est rigolo. Bon et sinon il y a aussi le fait que après tout, si on oublie tous les préjugés sur la question, c’est super joli. Donc honnêtement, testez. Le mascara bleu, ce n’est pas interdit. Après, si vous voulez le porter avec des tongs et un pantacourt juste pour me prouver que ça fait beauf, c’est votre droit, mais bon en même temps, je ne vois pas pourquoi quiconque aurait envie de faire ça, et puis d’ailleurs pourquoi quiconque aurait envie de mettre un pantacourt. Sur ce, je vous laisse, j’ai assez changé le monde pour aujourd’hui, et puis il faut que j’aille convaincre mon mec que non, ce n’est pas parce que je mets du mascara bleu que je vais m’inscrire aux Ch'tis à Ibiza. Bisous.
Comments